ETUDE SUR LA FACILITE DE PILOTAGE DES MODELES REDUITS PAR RAPPORT AU MODELE GRANDEUR
Je suis retombé sur ce texte qui présente une de mes expériences farfelues, hautement improbable et forcément tirée par les cheveux. Je me suis dit qu'il fallait la publier... à mes risques et périls !!!!
Objectif :
Définir dans quelle mesure la masse d’un modèle doit être réduite pour obtenir une facilité de pilotage équivalente à celle du modèle grandeur.
Introduction :
Une mise à l’échelle exacte suppose une réduction selon :
1/x pour les distances,
1/x² pour les surfaces,
1/x3 pour les volumes et les masses.
Dans ce cas tout les paramètres sont correctement réduits, les trajectoires sont à l’échelle, mais les vitesses relatives (vitesse par rapport à la longueur du fuselage) augmentent comme si le temps était accéléré selon t2 = t1*x0,5. Ainsi à l’échelle 1/4e, le temps semble multiplié par 2, rendant, à priori, le pilotage plus compliqué.
Une réduction de la masse selon 1/x4 permet une conservation des vitesses relatives, mais dans ce cas les trajectoires ne sont plus à l’échelle. Le rayon de virage par exemple est alors réduit selon 1/x². Les trajectoires relatives (ramenées à la longueur du fuselage) sont donc réduites selon 1/x.
En fait, les trajectoires relatives sont proportionnelles à la densité relative du modèle. La densité relative étant définie comme le rapport entre la densité du modèle réduit et la densité de l’avion original.
On peut supposer qu’une réduction de la masse selon 1/x4 rend le modèle réduit plus facile à piloter.
Ainsi, une masse intermédiaire permettrait d’obtenir un avion dont la facilité (ou la difficulté) de pilotage est équivalente à celle de l’avion grandeur.
Facilité et difficulté de pilotage :
En feuilletant le fana de l’aviation, dans les articles « essai en vol », on peut regarder sur quels critères se basent les pilotes quand il s’agit d’estimer les qualités de vol de leur avion.
C’est rare de trouver un pilote trouvant son avion « difficile », la plupart des difficultés venant du manque de visibilité, de l’effort demandé par les commandes, de leur équilibrage, de la complexité de l’appareil en général, autant de paramètres plus ou moins inexistant en modélisme.
D’autres facteurs plus pertinents pour le modéliste sont le maintient de la trajectoire et la façon dont l’avion décroche (brutalement ou pas, avec vrille plus ou moins vicieuse...). L’inertie des mouvements de l'appareil peut apparaître comme une difficulté mais surtout pour un pilote qui n’y est pas habitué.
D'un autre côté, en modélisme, on estime en général la facilité d’un avion par sa charge alaire, on conseillera les avions légers pour les débutants ; et sa vitesse, les avions rapides étant plus difficiles.
On estimera aussi la stabilité, en conseillant des avions « ailes hautes » pour les débutants.
Un test sur simulateur :
Pour avoir des données chiffrées, j’ai mis au point un test sur simulateur de vol à l’aide d’un petit logiciel enregistrant différents paramètres (programmation en XML, miam!).
Le test consiste à faire voler un avion en utilisant la vue « depuis la tour » pour être en condition modéliste.
Le test commence sur la piste, l’avion décolle et survole la piste sur toute sa longueur. Ensuite je fais un premier demi-tour pour effectuer un passage au dessus de la piste, en prenant soin de survoler les deux seuils de piste.
Je fais un total de trois passages puis j’atterris.
Le logiciel enregistre les paramètres suivants :
- l’altitude moyenne au cours du vol,
- le temps mis pour effectuer le test,
- le nombre de passages réussis au-dessus de chaque seuil de piste, sur un total de 8 ( 1 au décollage, 1 à l’atterrissage, et 2 par passages ), c'est le test de trajectoire,
- sur les trois axes (ailerons, profondeur et direction), le nombre de changements de direction (par exemple gouvernes de gauche à droite ou de droite au centre, etc.).
Après chaque vol je note si je me suis crashé (sur le simulateur le crash ne met pas fin au vol ! l’avion se contente de rebondir), et si j’ai commis une sortie de piste au décollage ou à l’atterrissage.
Les avions testés :
Pour les besoins de l’expérience, il a fallu simuler des avions à différentes échelles et masses.
Le simulateur possède une fonction d’accélération du temps qui permet une multiplication par 2 ou 4. Cela permet de simuler une mise à l’échelle 1/4e et 1/16e, j’ai vérifié la correspondance entre les performances estimées et les performances obtenues, mais je passe les détails (beaucoup de vols, beaucoup de mesures, beaucoup de prise de tête) !
J’ai donc modélisé 10 avions, sur la base du P-51D Mustang, en faisant principalement varier la masse et les moments d’inertie. La puissance est également ajustée de sorte que le rapport poussée/poids soit conservé :
Les indices 1 et 2 sont respectivement :
Indice 1 = Vitesse relative * Densité relative
Indice 2 = Vitesse relative / Densité relative
Chaque avion a fait 5 vols, excepté l’avion au 1/16equi n’a fait que 3 vols.
Il faut noter que ce dernier était particulièrement difficile à piloter et qu’il a fallu réduire le débattement des gouvernes.
Résultats:
Score au test de trajectoire:
Le premier paramètre est le score au test de trajectoire, c'est-à-dire le nombre de survols d’un seuil de piste sur un total de huit.
La corrélation avec la densité relative de l’avion semble évidente, mais pas dans le sens attendu !
En effet, il semble que plus l’avion est lourd plus il passe le test avec succès :
Il semblerait que la trajectoire des modèles réduits soit plus difficile à maîtriser.
L’indice 2 offre la meilleur corrélation, or il est largement favorable aux grands avions :
Le meilleur score est obtenu par l’avion le plus lourd !
Cela semble indiquer des difficultés à maintenir une trajectoire due au manque d’inertie des avions légers, aggravées par la vitesse.
Les hors-piste et crash :
Sur 48 vols, j’ai crashé l’avion « seulement » 7 fois et fait 21 hors-piste.
Bien qu’il soit difficile d’établir des corrélations, ces 28 incidents s’expliquent essentiellement par la masse de l’avion et sa vitesse de vol.
Logiquement, c’est l’indice 1 qui est le plus pertinent :
Mais le manque de données ne permet pas de conclure.
On constate juste que l’avion à l’échelle 1/4eayant la même densité que l’original (soit le plus lourd) comptabilise à lui seul plus de la moitié des crash (4 en 5 vols !).
Les avions « taille réelle » ne se sont jamais crashés et leurs sorties de piste sont pour la plupart imputables à la longue course d’arrêt à l’atterrissage.
En conclusion il semblerait presque que les modèles réduits soient plus susceptibles d’aller au tapis que les modèles grandeurs !
En fait, les crash sont essentiellement le résultat d’une fausse manœuvre ou d’un décrochage trop près du sol. Or les grands avions sont comme au ralenti, le décrochage est plus facile à anticiper, les fausses manœuvres sont plus rapidement corrigées.
La sollicitation du pilote :
Le logiciel n’enregistre pas toutes les actions sur les commandes mais uniquement les changements de direction tels que commandes à gauche, au centre ou à droite.
La fréquence moyenne de ces changements, tous axes confondus, est d’environ 1 par seconde.
Elle est directement liée à la densité de l’avion.
Donc plus l’avion est lourd et moins le pilote a de travail !
Cela vient probablement du fait que les avions lourds ont une trajectoire plus stable.
En fait, l’avion au 1/16e était tellement sensible qu’il a fallu diminuer le débattement des ailerons et de la profondeur pour le rendre pilotable.
Il doit exister un seuil ou le pilote (moi en l’occurrence !) ne peut plus fournir le travail nécessaire et est dépassé par les événements (ici, de l'ordre de 1,2 changement de direction par seconde).
En conclusion:
Cette expérience, un peu débile diront certains rabat-joies, montre (à mon humble avis) qu'il n'existe pas d'indicateur unique permettant de présager de la difficulté de pilotage d'un modèle réduit. La gestion de l'évolution "normale" du modèle et celle des situations d'urgences (décrochage...) sont influencées de manière contradictoire par les différents paramètres que sont la densité relative et la vitesse relative. De plus, chaque modèle nécessite des réglages particuliers (concernant les débattements notamment) interdisant une étude en terme d'effet d'échelle.
Il est intéressant tout de même de noter que l'avion le plus "facile" de cette expérience reste le modèle original ! Cela devrait obliger à relativiser les comparaisons, souvent misent en avant, entre modèle réduit et modèle "grandeur". En effet, on fait souvent la leçon aux modélistes en invoquant des exemples tirés de l'aviation "grandeur", attitude qui semble après tout bien méprisante.